« Your story, our history », une belle façon, qu’ont les Archives nationales d’Australie, d’exprimer que la petite histoire nourrit la grande !
ou « Histoire d’un colon » début XXè.
Le cas raconté ci-dessous a pour point de départ une recherche concernant les étrangers Morts pour la France. Il constate à la fois une évolution du patronyme et une histoire familiale à rebondissements. Pour comprendre le parcours de ce soldat, rien de tel que de reprendre les éléments d’Etat civil le concernant, même si l’on s’y perd!
Cette recherche m’a permis de faire connaissance avec les Archives nationales d’Australie et celles diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de Nantes.

Point de départ : une fiche Mémoire des Hommes, d’un cavalier au 4è Chasseurs d’Afrique, à valider point par point.
Belwood VULLIEZ-SERMET est né le 21 juillet 1891 à Williamstown, Victoria, Australie. Cette naissance est confirmée par un relevé sommaire « findmypast.com » en ligne, fils de Claude Félix Victor V-S et Mary Rachel WILLIAMSON, sous le prénom de « Peelwood ».
Son régiment « contribue à l’attaque vers Laventie (62) et Fromelles (59) », dans le nord de la France le 17 octobre 1914 (J.M.O du 4è RCA en ligne site MdH). Mort pour la France, son décès est transcrit dans les registres d’état civil de Paris. L’acte confirme le prénom Peelwood, la filiation, le célibat et le dernier domicile en Tunisie à Aïn el Asker et non Australie comme l’indique la fiche MdH. Dernier domicile qui explique ses classes en 1911 à Tunis.

Si l’on s’arrête à cette fiche MdH, voilà une histoire personnelle des plus communes, pourquoi s’est-elle compliquée ?
En raison d’une question: pourquoi la famille était en Australie en 1891, jour de sa naissance ?
Un premier document trouvé sur la naturalisation australienne du père en 1890, remet en cause la nationalité de Pelwood, française ou australienne ?, et son parcours militaire dans l’armée française. Les documents ensuite consultés concernant la mère, la fratrie n’ont fait que brouiller les pistes…nationalité anglaise ?

Enquête fouillée et confrontation de divers documents que je vous livre. Histoire passionnante, avec confirmation des données par quelques généalogistes du web.
L’histoire commence par la naissance du père de ce soldat, Claude Félix Victor VULLIEZ-SERMET.
En consultant Geneanet ou Mémoire des Hommes, on constate que le nom de famille VULLIEZ-SERMET est rare et découle du patronyme VULLIEZ, originaire de Haute-Savoie. (Confirmé par un article de la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie)
Claude V-S est un français né à Seyssel en 1850 (limite Ain Haute-Savoie), d’un père banquier et d’une mère rentière (parrain juge et marraine rentière, pour situer la position sociale des parents). Il épouse à Lyon en 1883, une anglaise Mary Rachel WILLIAMSON native de Dublin (Irlande).
Ironie de l’acte de mariage de 1883, le père de la mariée est domicilié à Loos, Nord de la France (non, non, pas Angleterre comme indiqué…), domicile confirmé par le consentement au mariage de sa fille, dressé chez un notaire d’Haubourdin commune voisine de Loos.
Vous suivez toujours ? Alors continuons 😉
Je connais au moins 6 enfants du couple VULLIEZ-SERMET x WILLIAMSON, tous nés VULLIEZ-SERMET et non VULLIEZ, 3 filles et 3 garçons (dont 2 fils Morts pour la France et un à 23 ans de maladie):
Un garçon né à Lyon, deux filles et un garçon nés en Australie dont le soldat Peelwood, une fille et un garçon nés en Tunisie.
Dans les documents australiens, Claude Félix Victor V-S apparaît comme ex-lieutenant de vaisseau. Ceci est confirmé par le journal officiel de la République française de 1872, où il a été promu au grade d’enseigne de vaisseau (officier subalterne), sous le nom VULLIEZ. Il arrive en Australie avec sa famille vers 1886, après la naissance de son fils Gabriel en 1885. Il participe à une importante découverte industrielle, où il est dit français alors qu’il a obtenu une carte de naturalisation australienne en 1890. Je perds sa trace en Australie à partir de 1892, naissance d’un enfant pour le retrouver en Tunisie en 1896, naissance d’une fille.
En aparté, Claude V-S avait découvert un nouveau procédé de fabrication de céruse (blanc dérivé du plomb) , il a donné Ceruse comme 2ème prénom à l’une de ses filles …
Les éléments posés ci-dessus laissent à penser que, la naturalisation australienne, obtenue par le père en 1890 après 4 ans d’existence en Australie, a fait l’objet d’une annulation pour des raisons que je ne connais pas (y compris fausses déclarations, dissimulation, etc…), ou d’une non-application ou d’un renoncement à cette nationalité
En effet, un article de la dépêche tunisienne de 1896, déclarant les naissances et décès, fait la différence entre les Français (colons) et les autres…

Une fille du couple VULLIEZ-SERMET x WILLIAMSON est née française à l’état civil de Tunis. De plus les deux fils Morts pour la France, ont intégré des régiments de l’armée française.
Un doute sur la nationalité venait aussi du mariage d’une fille du couple, née en Australie, mariée en Tunisie, mariage consigné dans le « GRO » Consular Marriages, l’équivalent anglais de l’état civil français… (Source findmypast).
A consulter sur BnF Gallica, un long dossier de 20 pages, jurisprudence concernant un renouvellement de métayage à Aïn el Asker, dernier domicile du soldat, par sa mère veuve en 1907, est paru dans le Journal des tribunaux français en Tunisie,
Il n’y a plus de raison de douter de la nationalité française du soldat Peelwood VULLIEZ-SERMET.
L’histoire familiale et personnelle de ce soldat s’arrête ici. Un courrier envoyé aux archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères de Nantes confirme qu’il n’apparaît pas dans les tables, de demande de nationalité française pour intégrer l’armée, et donne son feuillet matricule qui confirme son statut de colon français.

Il reste de lui une sépulture au cimetière communal de Laventie (62), lieu des combats d’octobre 1914, sous le nom de VULLIEZ et non VULLIEZ-SERMET, merci à Dominique BASCOUR pour le cliché (vieillissement, un L disparaît et permet la confusion avec un I). Est-ce à dire que s’il avait eu des enfants, ils auraient pris le nom de VULLIEZ ? Possible…

Personnellement, j’ai beaucoup appris sur la Nationalité en posant cette question : pourquoi une présence en Australie en 1891!
N.B. Sa fiche est mise à jour aujourd’hui sur le site Mémoire des Hommes.
Sources en ligne:
Mémoire des Hommes – Archives nationales d’Australie – Archives municipales de Lyon – Archives de Paris – BnF Gallica – Archives nationales d’Outre-mer – Ancestry – Findmypast – Librairie nationale d’Australie – Geneanet .
Très chouette recherche ! J’adore quand la généalogie nous emmène loin des terrains battus 🙂