Enfant et Grande Guerre

Je m’attache ici à transcrire des documents trouvés sur le site de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine,

issus d’une enquête menée en 1920 dans l’académie de Lille, et à croiser des récits relatant les relations entre civils et militaires.

Ils sont nombreux, instructifs et permettent d’appréhender la vie des enfants de part et d’autre du front du Nord-Pas-de-Calais (territoire de mon ascendance maternelle, Flandre, Artois, Gohelle). A quelques kilomètres les uns des autres, en zone occupée par les soldats allemands d’un côté, en zone « occupée » (souvent une cohabitation cordiale) par les soldats anglais d’un autre.

Récits en zone occupée par les armées allemandes.

Paysan et ses enfants dans une cave . Source BDIC
  • La Bassée (59), ville de décès d’une arrière-grand-mère, récit de l’instituteur (trice), non signé. (Source BDIC – B.432), ci-dessous un extrait :

La commune est occupée dès le 11 octobre 1914, après un combat dans la plaine de Gohelle (Lens), elle est évacuée par les Allemands le 4 avril 1915. « Les fillettes ont été obligées de balayer les rues, de travailler aux champs. Salaire : un pain. Les soldats étaient bons avec les enfants, leur distribuant chocolat, cacao, bonbons, etc…Les enfants ne craignaient pas les soldats. »

  • Erquinghem-le-Sec (59), récit de l’institutrice Madame LEROY (Source BDIC – B.571).

La commune est occupée le lendemain de la prise de Lille, le 13 octobre 1914. A la question : Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelque mesure sur le parler local ? « Oui, dans certaines familles ». Liste de ces mots : « Ia, oui. Grosse malheur, grand malheur. Nich bon, pas bon. Dicke madame, grosse madame. Eschole, école. Vasistas, quoi ? Varome, que dites-vous ? Je ne certifie pas exacts ces mots ni le sens.»

  • Bénifontaine (62), ville voisine de la commune d’Hulluch où a grandi mon grand-père avant d’être évacué à l’âge de 7 ans, récit de l’institutrice à qui le Maire a fourni les renseignements (Source BDIC – Bx.004).

La commune est occupée le 9 octobre 1914, la population l’a quittée le 30 septembre 1915. « En général, les soldats se comportaient bien à l’égard des enfants. Ils partageaient avec les petits les friandises qu’ils recevaient, leur donnaient du pain, de la soupe. Les enfants acceptaient toutes ces douceurs dont ils étaient très privés. Ils ne craignaient pas les soldats. Une certaine « familiarité » (le mot est peut-être un peu fort) s’était établie entre eux. (La reconnaissance du ventre). »

Soldats allemands partageant la nourriture
Soldats allemands partageant la nourriture Source © IWM (Q 88117).

Récits en zone « occupée » par les armées alliées, Anglais, Ecossais, Australiens, Portugais, Hindous … (dans le Pas-de-Calais, l’entente est cordiale avec les Anglais, l’expression « entente cordiale » est encore utilisée aujourd’hui).

  • Morbecque (Flandres, 59), récit de Madame MALLAURAN (Source BDIC – B.541).

« Les Anglais, les Ecossais, les Australiens ont choyé les enfants, leur ont donné des friandises, de l’argent, des vêtements qu’ils portent encore actuellement, des victuailles. Ils assuraient le service médical. Les enfants étaient tout heureux de cette diversion. Ils sympathisaient avec les troupes, d’autant plus que, connaissant le flamand, ils pouvaient aisément converser avec les soldats logés chez eux ». Elle joint une liste de mots étrangers dans le parler local, voir l’image ci-dessous:

Morbecque, parler des enfants 1GM
Morbecque (59, Flandre), influence de l’occupation anglaise sur le parler des enfants, 1920, source BDIC.
  • La Couture (Artois, 62), récit de l’instituteur Monsieur JOURDAIN (Source BDIC – B.215).

Les troupes françaises, britanniques et portugaises ont occupé la commune. « Les soldats aimaient beaucoup les enfants, les gâtaient de friandises, les comblaient de « Souvenirs », sans doute en songeant aux leurs. Les enfants savaient les récompenser par un bon regard, par des gestes plutôt que par des paroles. Malheureusement assez bien d’enfants ont contracté l’habitude de fumer. »

Soldats écossais partageant la nourriture
Soldats alliés, écossais partageant la nourriture Source © IWM (Q 7855) , près de Béthune (62) 10 avril 1918.

L’instituteur de l’école de Gorre, hameau de Beuvry (62) raconte en 1920 que les enfants aiment faire plaisir aux soldats britanniques, faire boire les chevaux etc… Ceux-ci partagent volontiers leur colis venus d’ Angleterre avec eux.

Quelques mots « hindoux » appris par la jeunesse de Gorre lorsque les soldats indiens y sont présents:
– atcha: oui – roti: pain – salam: bonjour – tchiko: pou.

Enfants, soldats indiens et britanniques jouant au football
Enfants regardant des soldats indiens et britanniques jouer au football, juillet 1915, lieu? France Source : Charles Hilton DeWitt Girdwood – British Library

Dans la région de Montreuil-sur-Mer, à l’arrière du front, les enseignants racontent les familiarités réciproques soldats – enfants et le Prince hindou Singh d’Idar bienfaiteur des écoles, c’est à lire à ce lien : Montreuil-sur-Mer 1GM.

Les récits sont différents en fonction du narrateur, homme, femme, enfant, adolescent… leurs relations ne sont pas identiques avec les soldats, cela permet de croiser les sources et nuancer…

Le récit d’un enfant lillois est en effet plus douloureux que ce qui est écrit précédemment. En mai 1920, le jeune Félix VERBEKE, 12 ans, raconte son premier grand chagrin, celui de l’assassinat de sa grand-mère le 13 octobre 1914, lors de l’invasion allemande…raison invoquée: cacher des soldats français. (Source BDIC Académie de Lille, 1914-1920).

Tant qu’il y aura des enfants… il y aura des messages de respect, de partage, de tolérance, de non-violence … de paix, à lire et écrire, à envoyer !

Petite flamande, 15 ans, réserviste volontaire
Dans un village du Nord, près de Hondschoote, cette petite française , Magda LEROY 15 ans, reçut un régiment de volontaires cyclistes belges avec tant d’enthousiasme que ceux-ci lui firent endosser, séance tenante, l’uniforme belge avec lequel elle est photographiée ci-dessus.

Sources :

Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine

Gallica BnF – Imperial War Museum

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Publié dans Histoires du Nord 14-18, Pas-de-Calais 14-18

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