Lestrem 1914 Evacués 1918

Les écrits ci-dessous ont été transcrits pour comprendre l’occupation allemande et alliée des territoires.

Lestrem est la commune où mon arrière grand-père maternel César REGNIER était cultivateur avec son père. A la suite, est donnée une courte liste inédite de civils évacués en avril 1918 vers la Belgique.

Transcription des écrits issus de « réponses au questionnaire concernant le territoire occupé par les armées allemandes », ( source BDIC Cote B.215, questionnaire pour comprendre : Nord la 1GM par les récits  ) Académie de Lille 1920 – Ecole publique de garçons de Lestrem.

  • Occupation allemande 1914.

Le 10 octobre 1914, les Allemands débouchant de Laventie et de Richebourg s’avancèrent sur le territoire de Lestrem, jusqu’à la Lawe, et occupèrent, sur la rive droite de cette rivière, les hameaux de Pont-Riqueult et de La Fosse. La Lawe fut même franchie au sud et ils réussirent à s’installer dans la distillerie LELEU, sur la route de Béthune. Des troupes françaises, en petit nombre, environ deux cents hommes, comprenant des dragons, des chasseurs à cheval, des cyclistes (chasseurs à pied), levèrent le pont de Lestrem, en barricadèrent les abords et réussirent à empêcher l’ennemi de pénétrer dans le bourg. Pendant 5 jours, ce fut un combat continuel d’avant-gardes. Il ne restait que quelques hommes dans la commune. Les Allemands leur donnèrent la chasse dans la partie occupée. Plusieurs furent faits prisonniers et emmenés, d’autres n’échappèrent qu’à grand peine. Deux malheureux jeunes gens, 16 et 14 ans, les frères HAYART, du Pont Riqueult furent poursuivis et tués à coups de baïonnette, sur le territoire de La Gorgue. Un autre habitant de la rue des Rivières, Louis BREVIERE, tentant de s’échapper fut abattu à coups de fusil. Blessé mortellement, il alla mourir, un peu plus loin, à la Croix Marmuse. Lestrem fut alors copieusement bombardé. Plusieurs maisons et l’église furent atteintes. Près de l’église 3 maisons et un grand magasin furent brûlés. L’importante ferme du « Grand Marais », à l’est du Pont Riqueult, une ancienne gentilhommière, fut incendiée par les Allemands, parce que la fermière avait donné asile à quelques hommes qu’elle refusa de dénoncer. Une autre ferme voisine eut le même sort. Les Français ripostèrent. Une ferme et plusieurs maisons, situées aux environs de la brasserie BOURDON, près du Pont-Riqueult, sur la Lawe, où l’ennemi s’était réfugié, furent incendiées. Dans les combats qui eurent lieu, des dragons, des chasseurs furent tués. Ils sont inhumés au cimetière de Lestrem. Il ne restait dans la commune que quelques vieillards et quelques femmes qui s’abritèrent dans les caves pendant le bombardement.

  • Apparté : Il faudra attendre 6 ans , c’est-à-dire l’année 1920, pour que le tribunal civil  d’Hazebrouck  établisse par jugement le décès des deux frères HAYART. Celui-ci ne précise pas la cause de la mort pour évènements de guerre…

Le mercredi 14 octobre, les vaillants défenseurs de Lestrem, exténués par plus de 8 jours de combats, furent remplacés par des contingents anglais, assez nombreux.Les Allemands furent vivement refoulés sur Richebourg et Neuve Chapelle. Ils s’y retranchèrent et y restèrent.

D’octobre 1914 à avril 1918, les Allemands ne bougèrent guère des positions qu’ils occupaient. Pendant 3 ans ½, Lestrem, dont la population s’était augmentée de nombreux réfugiés venant des communes voisines, notamment de Richebourg, Neuve-Chapelle, Aubers (Nord), resta donc ville de front. L’ennemi n’était qu’à 7km. Malgré cette proximité Lestrem n’eut pas trop à souffrir des bombardements par canons ou par avions. Certes, il y eut souvent des alertes mais souvent plus de bruit que de mal. La commune pendant cette longue période, fut occupée par les Anglais et leurs troupes coloniales. Entre 1915 et 1916, elle vit les Hindoux et quelques contingents australiens ou autres. En mai 1917, les Portugais remplacèrent les troupes d’infanterie anglaise et peu à peu occupèrent les tranchées des environs de Laventie jusqu’aux abords de Festubert.

  • Occupation 1918

Le 9 avril 1918, une attaque allemande se déclencha. Ce fut l’avance de l’ennemi dans la vallée de la Lys. Dès 4 heures du matin, après quelques jours d’un calme absolu, par un épais brouillard, la canonnade fit rage et pendant que les Allemands pénétraient dans les tranchées tenues par les Portugais, un terrible feu de barrage, s’étendant jusqu’à 20 km, fit plusieurs victimes dans la population civile. Le même jour les Allemands pénétraient dans la commune. Ils n’occupèrent cependant le bourg que deux jours après. Ils trouvèrent de nombreuses provisions. Il ne restait que quelques femmes et plusieurs vieillards impotents. Ils furent emmenés en Belgique quelques jours plus tard.

D’avril à juillet les Allemands occupèrent Lestrem, sous le feu incessant des Anglais. On sait qu’ils ne purent atteindre Béthune. Ils s’en vengèrent, en faisant du centre de cette ville, un tas de décombres. A l’est de la commune, les hameaux du Pacault et de Paradis ne sont plus qu’à l’état de souvenir. Il n’y reste pas un mur, pas un arbre, pas même un saule à la vie si dure. Les obus et les gaz ont fait là leur œuvre de mort. Sauf quelques maisons dans le bourg, Lestrem a cruellement souffert pendant cette période.

BEAUSSART Désiré - Lestrem (Pas-de-Calais)
Victime civile de la guerre 14-18, d’un bombardement « allié »?

A noter sur le site Mémoire des hommes, la présence de cette fiche de « Non Mort pour la France » qui concerne une victime civile d’un bombardement probablement allié, en avril 1918 et non 1919 comme indiqué. Il s’ agit de BEAUSSART Henri Fleury « Désiré », né en 1846, marié avec Marie Philomène DELANNOY en 1873. Il est recensé avec épouse et enfants en 1911 à l’épinette – Lestrem, comme cultivateur. Il est absent du monument aux morts.

  • Le séjour des alliés

Les soldats alliés qui ont occupé Lestrem pendant 3 ans ½, n’ont pas laissé, en général, un mauvais souvenir. Ils ont été plutôt corrects avec la population. Avec les enfants ils se sont montrés pleins de bienveillance. On peut même dire qu’ils les ont gâtés. Jamais nos bambins n’ont absorbé tant de confitures, de sucreries, de gâteaux, de chocolat, mais jamais non plus ils n’ont eu l’occasion de fumer tant de cigarettes  A la Noël 1916, le général anglais qui occupait le château de Lestrem, donna une grande fête pour les enfants de nos écoles et pour les tous petits. Ces enfants eurent l’occasion d’admirer le plus magnifique arbre de Noël qu’ils aient jamais vu. Après une collation, où gâteaux, chocolat et thé furent consciencieusement absorbés, pendant qu’une musique militaire exécutait de gais morceaux, les enfants furent admis dans la salle où se dressait le grand sapin tout enguirlandé et chargé de merveilleux jouets qui leur furent bientôt distribués. Ce fut pour eux une après-midi inoubliable. Jamais encore Noël, qui n’est généralement pas la fête des enfants dans notre région, n’avait revêtu cet éclat. Les enfants étaient devenus tout à fait familiers avec les soldats de toute nationalité.

  • Le parler local

Pendant cette longue occupation, le parler local fut quelque peu modifié. On parla français et surtout anglais à la manière nègre. Les enfants principalement s’entendaient à se faire com-prendre par nos alliés. Les « yes », les « non bonne », les « good », les « come back », les « compris », revenaient à chaque instant dans les conversations.

Aujourd’hui, on peut dire, que toutes ces formes de parler ont disparu. Les enfants, même en jouant ne les prononcent plus. Bientôt il ne restera plus rien de cette habitude. Notre beau parler français, qu’on devrait bien expurger de tous ces termes anglais, à la prononciation barbare, sera alors seul en honneur.

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En avril 1918, suite à l’ offensive allemande dite  Bataille de la Lys,  quelques communes du bas pays d’Artois, voisines de la Lys et dans la zone de guerre,  (dont  Lestrem, La Couture, Locon) sont évacuées de leurs habitants.

La photo ci-dessous, « Près de Béthune le 10 avril 1918  » montre un « Convoi d’évacués civils: vieilles femmes sur la charrette qui les emmène à l’arrière. », avec des soldats alliés. British official photo.  ( Source Bdic fonds des albums Valois, section photographique de l’armée : BDIC  Cote :   VAL 302/098 ).

Evacués civils près de Béthune (62) source BDIC.

Quelques habitants qui n’ont pas encore quitté la zone de guerre, mi-avril, sont évacués (par l’autorité allemande) en Belgique le 29 mai 1918, via un transit à Lille, voir le dossier source à ce lien : Evacuation des habitants de la ligne de feu. Ci-joint une transcription:

BONTE Jean-Baptiste 1836 rue St-Sauveur Lestrem
BONTE Orphise 1843 « 
BONTE Hector 1840 « 
BONTE Omérine 1876 « 
BONTE Constant 1912 « 

Vve HU (?) Mélanie 1845 rue de Bouvines La Couture
TEMPREMONT Henri 1870 hôpital de la Charité

MASTIN Alfred 1862 hôpital de la Charité Locon

Sources :

Archives Départementales du Nord

Archives départementales du Pas-de-Calais

Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine

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Publié dans Evacués Occupés Lys 1918, Pas-de-Calais 14-18

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